
POLITIQUE EDUCATIVE
Réduction de la taille des classes, un réel bénéfice économique à long terme
19 MAI 2025 - En France, la dépense intérieure d’éducation était estimée à 180 milliards d’euros, dont près de 120 Md€ financés par l’État et les collectivités locales pour le seul enseignement scolaire. Malgré un niveau d’investissement supérieur à la moyenne de l’OCDE, la dépense éducative en France se révèle moins efficace que dans de nombreux pays comparables. La dépense moyenne par élève atteignait 9352 €, contre 8838 € en moyenne dans l’OCDE. Déclinée par niveau, cela se traduit dans le premier degré par une somme de 7293 € par élève français vs 8212 € élève OCDE, soit une différence de 11%. Les tendances s’inversent dans le second degré soit 10427 € par élève français vs 9194 € élève OCDE (différence positive de 13%). Pourtant les performances des élèves français sont en retrait dans les évaluations internationales (PISA, pour élèves âgés de 15 ans, items standardisés en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en culture scientifique et ce à deux niveaux.
- Valeur absolue : les résultats demeurent dans la moyenne, le niveau en mathématiques, en particulier, connaît une dégradation continue depuis plus de 30 ans. L’allocation des moyens est donc peu efficiente. le Canada, l’Estonie, l’Irlande, le Japon ou la Pologne, parviennent à de meilleurs résultats avec des niveaux de dépense par élève comparables, voire inférieurs, à ceux de la France.
- En termes d’équité, les acquis des élèves français étant très fortement corrélés à leur origine sociale. Dans PISA 2022, l’écart de performance en mathématiques entre élèves favorisés et défavorisés était de 113 points, contre 93 en moyenne dans l’OCDE, et le statut socio-économique expliquait 21 % des écarts de résultats en France, contre 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE
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Indice d'efficacité des dépenses publiques
La réduction de la taille des classes constitue un levier validé par la recherche pour améliorer les apprentissages des élèves, en particulier dans le premier degré. L’analyse du CAE porte sur le dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire, tout en considérant l’impact potentiel d’une diminution de la taille des classes dans le premier et second degré. L’outil de mesure est l’indice d’efficacité des dépenses publiques (EDP) qui fait un ratio entre les gains générés par une politique éducative ciblée et les dépenses engagées.
L’outil de mesure est l’indice d’efficacité des dépenses publiques (EDP). Tel que défini par le document du CAE, « l’EDP est le ratio entre le gain de la politique pour les bénéficiaires (∆B) et son coût net pour l’État (∆C-∆E), où ∆C représente le coût brut de la politique et ∆E les recettes fiscales induites (par exemple, via une hausse des revenus des bénéficiaires ou une baisse des prestations sociales). Le numérateur ∆B mesure la variation de bien-être associée à la politique pour l’ensemble de ses bénéficiaires. Il intègre à la fois les effets directs — positifs ou négatifs — sur les personnes concernées (amélioration du niveau d’éducation, des revenus, de l’employabilité, de la santé, etc.) et les effets indirects liés aux externalités qu’elle peut engendrer, comme une réduction de la criminalité. Un indice EDP supérieur à 1 signifie que la politique est efficace — elle génère un gain supérieur à son coût budgétaire net: chaque euro dépensé par l’État produit un retour net positif. Certaines politiques peuvent même présenter un indice EDP « infini » lorsque les gains fiscaux induits compensent intégralement, voire excèdent, le coût initial. Les politiques sont alors autofinancées. C’est notamment le cas de certaines interventions précoces en faveur des jeunes enfants, dont les effets durables sur la réussite scolaire, l’insertion professionnelle et la santé se traduisent, à long terme, par une réduction des dépenses sociales et une augmentation des recettes fiscales, permettant ainsi à l’État de compenser intégralement l’investissement initial »
Les subtilités et difficultés de la méthodologie ne sont pas le sujet de cet article. Elles sont détaillées par ailleurs (1)
(1) Les références des études mobilisées et le détail des hypothèses retenues pour calculer l’indice EDP sont présentés dans Fajeau M., Grenet J., Laveissière E., Leonetti O. (2025): « Efficacité des dépenses publiques : sources et hy pothèses de calcul », Focus du CAE, n°114. 12 Pour une synthèse accessible des travaux récents en économie de l’éducation, voir Behaghel L., Grenet J. et Gurgand M. (2023): Économie de l’éducation, La Découverte, collection « Repères »
Réduire la taille des classes, une efficacité prouvée dans le premier degré
Des études en Suède et Etats-Unis (projet STAR) valident l’hypothèse d’un bénéfice à long terme d’une politique de réduction de la taille des classes (1, Krueger A. et Whitmore D.2001 ; . Chetty R., Friedman J., Hilger N., Saez E., Schanzenbach D., et Yagan D. 2011; Fredriksson P., Öckert B., et Oosterbeek H. 2013). Picketty et d’autres économistes français ont travaillé sur le sujet en France
La France se distingue par une taille moyenne des classes supérieure à celle des autres pays de l’Union européenne pour lesquels les données sont disponibles. Elle restait, en 2023, supérieure de 2,7 élèves à la moyenne des autres pays de l’UE (21,7 contre 19,0). L’écart est encore plus marqué au collège, où les classes françaises comptent en moyenne 25,6 élèves contre 20,7 dans les autres pays de l’UE.
Krueger A. (1999), Angrist J. et Lavy V. (1999) ont mis en évidence des effets significatifs dans le primaire, généralement compris entre 1,5 % et 2,5 % d’un écart-type d’amélioration des résultats par élève en moins dans la classe, avec des gains qui tendent à être plus importants pour les élèves issus de milieux défavorisés. Les économistes du CAE abondent dans cette démonstration ; « Des effets comparables ont été observés dans l’évaluation menée par le ministère de l’Éducation nationale sur le dédoublement des classes de CP en REP+16, qui montre un gain moyen de 1,62 % d’un écart-type aux évaluations nationales de fin de CP par élève en moins. Appliqué à la réduction de la taille des classes en primaire, le calcul de l’EDP indique qu’il s’agit d’une politique autofinancée (EDP infini)18 : en supposant un gain de 1,62 % d’un écart-type par élève en moins dans la classe et un rendement salarial de 9,5 % par écart-type d’amélioration des compétences scolaires, les recettes fiscales générées à long terme, via l’augmentation des salaires futurs des élèves concernés, couvriraient le coût direct de déploiement de la politique, c’est-à-dire le financement des enseignants supplémentaires.
Dans l’enseignement secondaire, les effets d’une réduction de la taille des classes sont moins bien documentés et apparaissent plus incertains. En France, une étude exploi[1]tant les variations liées aux seuils d’ouverture de classes au collège suggère un impact deux fois plus faible que dans le primaire19. Même dans ce cas, l’indice EDP resterait supé[1]rieur à 7: chaque euro investi, une fois déduites les recettes fiscales induites, générerait un bénéfice social supérieur à 7 euros, via les gains de revenus futurs des élèves, mais avec une marge d’incertitude importante. «
CONCLUSION La démonstration visant le long terme est séduisante L’objection est bien connue, elle est financière et conjoncturelle. Dans un contexte budgétaire contraint, l’Etat hésitera à recruter davantage d’enseignants du premier degré. Une prudence que ne partage pas le document CAE. Une opportunité est à saisir. La baisse continue de la natalité expose le système éducatif à un choc démographique durable : d’ici à 2029, les effectifs du premier degré auront chuté de 16 % par rapport à 2015, et la baisse amorcée dans le second degré devrait se prolonger jusqu’à la fin de la décennie 2030. Il s’agit là d’une raison supplémentaire de baisser la taille des classes. Le CAE est convaincu. « Ces résultats plaident pour une mobilisation des marges budgétaires ouvertes par la baisse démographique pour réduire la taille des classes là où les effets sont les mieux établis. Dans le premier degré, cela implique de prioriser les classes des réseaux d’éducation prioritaire non encore concernées par le dédoublement (petite et moyenne sections, CE2, voire CM1 et CM2). En dehors de l’éducation prioritaire, la réduction de la taille des classes pourrait également être engagée »
(1) Krueger A. et Whitmore D. (2001) : « The Effect of Attending a Small Class in the Early Grades on College-Test Taking and Middle School Test Results: Evidence from Project STAR », The Economic Journal, 111(468), p. 1-28. Chetty R., Friedman J., Hilger N., Saez E., Schanzenbach D., et Yagan D. (2011): « How Does your Kindergarten Classroom Affect your Earnings? Evidence from Project STAR », The Quarterly Journal of Economics, 126(4), p. 1593-1660. Fredriksson P., Öckert B., et Oosterbeek H. (2013): « Long-Term Effects of Class Size », The Quarterly Journal of Economics, 128(1), p. 259-285.



Le projet STAR (Steps to Achieving Resilience) était un projet de recherche de trois ans financé par le gouvernement fédéral qui consistait en une intervention auprès des enfants d’âge préscolaire inscrits au programme Head Start dans le comté de Lane, en Oregon, aux États-Unis. Le projet a été mené de 1999 à 2003 par l’unité de recherche sur la petite enfance du Collège d’éducation de l’université de l’Oregon. Les chercheurs principaux étaient la Dre Ruth Kaminski, l’une des coauteurs de l’évaluation de l’alphabétisation précoce du DIBELS, et Beth Stormshak. L’objectif du programme était d’accroître les compétences en littératie des enfants à risque en améliorant leur milieu d’apprentissage par la réduction du nombre d'élèves par classe et par l’augmentation du nombre d’activités planifiées et ciblées. Le programme comportait deux volets : un volet sur l’écologie en classe et des activités d’intervention axées sur la famille. L’intervention était axée sur le renforcement des compétences sociales des enfants. Afin d’aider les enfants, ils ont augmenté la participation des parents et de la famille à l’école en travaillant directement avec les parents des élèves.. Le projet se poursuit sous diverses formes aujourd'hui
DES CHIFFRES DE L'EDUCATION EN FRANCE
- La dépense intérieure d’éducation était estimée à 180 milliards d’euros, dont près de 120 Md€ financés par l’État et les collectivités locales pour le seul enseignement scolaire
- 12 millions d’élèves dans les premier et second degrés, et mobilise environ 1,2 million de personnels, dont 850000 enseignants, l’Éducation nationale est le premier employeur public du pays
- En 2021, la France consacrait 5,4 % de son PIB aux dépenses d’éducation (tous niveaux confondus), soit une part légèrement supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE (4,9 %).
- La dépense moyenne par élève atteignait 9352 €, contre 8838 € en moyenne dans l’OCDE.
- Par niveau : premier degré 7293 € par élève français vs 8212 € élève OCDE, soit une différence de 11%. Second degré : 10427 € par élève français vs 9194 € élève OCDE
- SOURCES
- 1 DEPP (2024): Repères et références statistiques 2024.
2 OCDE (2024): Regards sur l’éducation 2024
BIBLIOGRAPHIE
DEPP (2021): « Évaluation de l’impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants », document de travail n° 2021.E04.
Krueger A. et Whitmore D. (2001) : « The Effect of Attending a Small Class in the Early Grades on College-Test Taking and Middle School Test Results: Evidence from Project STAR », The Economic Journal, 111(468), p. 1-28.
Chetty R., Friedman J., Hilger N., Saez E., Schanzenbach D., et Yagan D. (2011): « How Does your Kindergarten Classroom Affect your Earnings? Evidence from Project STAR », The Quarterly Journal of Economics, 126(4), p. 1593-1660.
Fredriksson P., Öckert B., et Oosterbeek H. (2013): « Long-Term Effects of Class Size », The Quarterly Journal of Economics, 128(1), p. 259-285.
Fajeau M., Grenet J., Laveissière E., Leonetti O. (2025), « Efficacité économique de la réduction de la taille des classes », Focus du CAE, n° 113.
Piketty T. et Valdenaire T. (2006): « L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français. Estimations à partir du panel 1997 et du panel secondaire 1995 », Les Dossiers-Enseignement scolaire, n° 173, MEN-DEP
Avvisati F., Gurgand M., Guyon N. et Maurin E. (2013): « Getting Parents Involved: A Field Experiment in Deprived Schools », The Review of Economic
Studies, 81(1), p. 57-83.
Escueta M., Nickow A., Oreopoulos P. et Quan V. (2020): « Upgrading Education with Technology : Insights from Experimental Research », Journal of Economic Literature, 58(4), p. 897-996
Importance Of Project STAR In Education | ipl.org
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