
ENSEIGNEMENT PRIVE SOUS CONTRAT
Averoes: Les enjeux d'un dossier à rebondissements
Partie I Le contexte et les faits
30 AVRIL 2025 - Le dossier de l’établissement scolaire Averoes de Lille et de l’association qui le gère est complexe avec une double incidence
- Quelles sont les justifications et le contexte historique du financement de l’enseignement privé confessionnel en France dit sous contrat avec établissements à caractère particulier ? Le lycée musulman Averoes a été le premier de cette confession a en bénéficier à partir de 2008, suivi par d’autres en France (Lyon et Marseille). Doit-il être poursuivi, pour toutes les religions, dans la mesure où la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat n’oblige en rien ce dernier à consentir tel effort ? Cette question s’inscrit aussi dans un contexte de compétition entre religions. Le grief de discrimination du culte musulman par rapport à leurs homologues chrétiens et juifs est souvent avancé, rarement publiquement pourtant par les instances autorisées.
L’enseignement privé musulman, dans le cadre de Averoes, respecte-t-il les règles de la transparence vis-à-vis des financements étrangers ? - Quid du respect de la loi sur la laïcité, spécificité très française et pas facile à comprendre ailleurs, mais cadre légal et identitaire ? Si la proximité avec la fraction du culte musulman dite « Musulmans de France « (ex UOIF, proche des Frères Musulmans) est avérée et a priori assumée par l’association Averoes, son action visible et éventuellement stratégique à moyen terme pose questions. Cette frange minoritaire, contestée au sein du culte, mais en expansion a été accusée « d’entrisme’ en particulier par le gouvernement de G.Attal et le ministre Darmanin. Leur supposée stratégie serait, dans la droite ligne de la théorie politique de Gramsci, de noyauter les institutions, poser des actes quotidiens pas forcément spectaculairement anti-laicité et ce au nom de la liberté religieuse accordée par les lois européennes. Le but non explicite serait de rendre progressivement de facto sinon dans les textes la République « charia-compatible » tout au moins dans une certaine mesure, en deça des enseignements contenus dans le Coran. Une accusation de ce type religieux a été adressé de source officielle à Averoes : en classe de seconde serait lu un texte salafiste prônant le peine de mort en cas d’apostasie. La direction a reconnu que le texte figurait dans le programme, a plaidé un manque de vigilance mais a affirmé que le passage incriminé n’était pas lu. Le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau a accusé l'association Averoes d'être un bastion de ce mouvement
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Le contexte légal, les régles générales des contrats d'association en France
L'État finance l'enseignement privé en France depuis 1951 (la loi Marie qui permet aux élèves des établissements privés de bénéficier de bourses d'État). En 1959, la loi Debré institutionnalise les contrats d 'association avec l'État permettant de recevoir des subventions publiques en échange du respect des programmes officiels. Plusieurs textes ont actualisé les modalités dont la loi Guermeur de 1977, qui améliore les conditions sociales des enseignants du privé. Aujourd’hui, environ 97 % des élèves du privé sont scolarisés dans des établissements sous contrat avec l’État
L’enseignement y est dispensé "selon les règles et programmes de l'enseignement public" (article L442-5 du code de l'éducation).
Les établissements privés qui passent avec l'État un contrat s'engagent notamment à être en conformité avec les programmes définis par le ministère de l'éducation nationale et à garantir l'absence de discrimination dans l'accueil des élèves.
Dans les établissements privés sous contrat d'association, les enseignants sont des professeurs "maîtres contractuels". Ils sont recrutés par concours de la même façon que les professeurs des écoles et les professeurs certifiés titulaires du secteur public. Ces enseignants sont rémunérés par l'État. L'évaluation des enseignants est similaire à celle effectuée dans le public. Néanmoins, en comparaison avec le public, les chefs d'établissements privés ont plus d'autonomie quant au recrutement et au remplacement des enseignants et des personnels.
- Signalons que dans le cadre des lois de décentralisation, les Régions contribuent au financement des lycées (construction, activités non directement pédagogiques) les Départements à celui des collèges
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Les faits et la chronologie du litige Etat vs Association Averoes
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- Le collège et le lycée ont su construire une excellence académique, attestée par le haut degré de réussite, continu, de ses élèves aux diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat. (NDLR pratiquement 100%)
- Ouvert en 2003, Averroès est devenu, en 2008, le premier lycée musulman sous contrat d’association avec l’Etat français. Il compte 800 élèves. Le contrat d’association avec le collège ouvert en 2012, n’a pas été validé. L’association doit donc prendre en charge toutes les dépenses de cet établissement.
- En 2020, la majorité régionale emmenée par le patron LR de la région, Xavier Bertrand avait saisi le ministère de l’Education du dossier après la parution du livre Qatar Papers. Les auteurs, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, y faisaient état « de financements étrangers » de cet établissement lillois.
- Dans la foulée, le lycée avait confirmé avoir reçu un don d’un fonds non gouvernemental qatari, soulignant que cela n’était pas illégal.
- La chambre régionale des comptes des Hauts-de-France, institution chargée de contrôler l'utilisation des fonfs publics s’est penchée en détail sur la gestion du lycée depuis 2010.
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Son rapport est publié en juin 2023. Quelques traits marquants de la synthèse :
- " Le fonctionnement des instances dirigeantes révèle plusieurs irrégularités"
- "Le programme du cours d’éthique musulmane, assis notamment sur un ouvrage destiné à être étudié en classe de Seconde, suscite des interrogations. Celles-ci appellent des éclaircissements s’agissant d’un établissement associé à l’enseignement public, dans le cadre d’un contrat avec l’État, et qui à ce titre bénéficie de fonds publics substantiels (rémunérations des professeurs du lycée, forfait d’externat)."
- -"La situation financière de l’association était saine jusqu’à l’exercice 2014-2015, avant de connaître une dégradation brutale et continue. La progression des charges, conséquence du développement accéléré du groupe scolaire, s’avère difficile à contenir. La gestion financière e l’association Averroès apparaît ainsi très dépendante des financements publics, et des dons qui lui ont été consentis depuis 2010 (près de 6 M€)."
- -"Si les importantes contributions financières provenant de l’étranger ont permis à l’association de faire face ses premières années, elle ne parvient plus à financer, depuis l’exercice 2015-2016, les dépenses d’investissement nécessaires à la poursuite de son activité. L’association se trouve désormais dans une situation financière critique, dont elle ne parviendra à s’extraire qu’au prix d’une révision profonde de son modèle économique."
- A la suite de ces conclusions, une commission de concertation est réunie le 27 novembre 2023. Selon la loi, elle est composée de Représentants de l'État, de Représentants des collectivités territoriales, de Représentants des établissements privés, d' Experts et membres consultatifs : Selon les cas, des spécialistes de l'éducation ou du financement scolaire peuvent être invités. Par un vote, elle décide de mettre fin au contrat d’association. Ce que le préfet du Nord valide le 3 décembre 2023
- En janvier 2024, l’association saisit le tribunal administratif de Lille et demande l’annulation de la décision préfectorale pour ‘excès d’autorité’, dénonçant entre autres « une procédure irrégulière ; ses droits d’être représentée et assistée par la personne de son choix devant la commission de concertation ont été méconnus." Le 24 avril, le Tribunal annule cette décision «
- Le tribunal annule la décision mettant fin à l’association entre l’Etat et le lycée privé Averroès. - Tribunal administratif de Lille avec en lien texte complet du jugement
- 29 avril 2025 Elisabeth Borne, la ministre de l’Education, annonce qu’elle fait appel. Elle soutient devant la presse que la direction de l’établissement a refusé de recevoir une visite d’inspection, manquement aux règles des contrats d’association si avéré
- La date du jugement en appel n'est pas connue. Le tribunal serait en mesure de prendre en compte de nouveaux éléments comme ce refus d'inspection. si preuve est apportée.